Ils étaient venus à Algrange voici quelques mois faire une démonstration de leurs talents pendant la mi temps de Algrange / PSG
Article du RL
Section foot adapté du CS Veymerange : lundi, soir d’entraînement
La section foot adapté du CS Veymerange, c’est un peu une deuxième famille pour les footballeurs. « On retrouve les potes, on rigole tous ensemble », confie Paul…
Cette section est unique dans le sillon mosellan. Chaque lundi soir, au CS Veymerange, une quinzaine de jeunes footballeurs souffrant de déficiences mentales s’entraînent avec une incomparable énergie. Nous sommes allés les rencontrer.
Le son mat du ballon malmené par les crampons, un coach qui s’égosille et des joueurs qui bondissent comme des diables sur le terrain synthétique de Veymerange. « Eh, lance Jérémy Walin, une passe, ça doit pas aller en l’air. Sinon, tu ne vas pas en gagner beaucoup, des matches ! » Pour l’exemple, le ballon est propulsé sous les pieds d’Aïcha, la capitaine. « Bien joué le contrôle ! » En guise de réponse, la petite brune dévoile une impeccable rangée de dents.
Un lundi soir comme les autres. Personne ne manque à l’appel. Après chaque séance, les maillots verts et les chaussettes seront engouffrés, trempés, dans les machines à laver et, comme à chaque fois, les joueurs n’auront en tête que le prochain entraînement.
Difficile, devant ces visages couverts de sueur de saisir ce qui fait la spécificité de cette équipe de foot. Elle est pourtant unique dans le sillon mosellan. Les joueurs et la joueuse qui la composent souffrent d’une déficience mentale, mais sur le terrain, cette fragilité s’estompe, s’annihile même. « Ce sont des footballeurs, pas des jeunes avec un handicap », aime à nuancer Rachid Chebbah, président de la section foot adapté du CS Veymerange. Avec sa femme Josiane, ils sont à l’origine de la création de cette équipe qui a vu le jour voici deux ans, dans l’agglomération thionvilloise.
Sur le terrain, flanqué de son immuable sourire, leur fils, Rémy, 22 ans, atteint d’une maladie orpheline. « Il avait envie de faire du foot et c’était important pour qu’il puisse développer son potentiel musculaire , souligne la maman infirmière. Sauf que dans les clubs où nous sommes allés frapper, on nous répondait que ce n’était pas possible d’accueillir Rémy. Qu’il fallait un encadrement adapté. » Seule possibilité, la section de Freyming-Merlebach, que Rémy fréquentera dans un premier temps. Avant que ses parents, portés par Jérémy Walin, professeur spécialisé à l’IME Les Myosotis de Guénange, n’impulsent ce projet novateur. Le président du CS Veymerange, Marc Berardi, y sera immédiatement sensible. « Je ne trouvais pas normal , estime-t-il, de laisser ces jeunes de côté. »
« On a commencé avec un ballon et trois joueurs , se souvient Jérémy, dévoué corps et âme à ces gamins aux parcours sensibles, parfois chaotiques. « Au début, je me disais : "Mais où on va ?" » Le chemin, pourtant, est tout tracé : rendre possible ce plaisir libérateur que décrivent les coéquipiers d’Aïcha lorsque la balle file sous leurs pieds et que l’effort brûle la trachée. « Grâce au foot , confie Rémy de sa voix posée, je me sens mieux dans mon corps. Ça aide à déstresser parce que je me dépense. » « Ça fait du bien », abonde Arnaud, tandis que Paul, vice-capitaine, parle de « respect ». « Tu me donnes, je te donne , image Aïcha. C’est un échange. »
Pas de régime de faveur pour l’équipe de foot adapté. Tout juste Jérémy adapte-t-il son entraînement et l’intensité des exercices, – au cas par cas –, en insistant sur les démonstrations. « Dans la mesure où ils sont atteints de troubles cognitifs, ils peuvent avoir un peu plus de mal à analyser l’info. Ils sont davantage dans le visuel alors je montre et ils refont. »
Tendre vers l’ordinaire, donc. En essayant d’impliquer encore davantage les parents. La réalité dépasse parfois l’ambition pour le noyau de bénévoles soudés. À 19 h, une fois le matériel rangé, les jeunes footballeurs rentreront chez eux. La plupart avec Jérémy et Josiane, les chauffeurs improvisés. Tous deux embarquent ce petit monde dans leur voiture personnelle et dans le minibus gracieusement prêté par l’IME Les Myosotis. En mode débrouille.
Qu’importe la lassitude qui s’immisce certains soirs. L’enthousiasme de ces jeunes, souvent coupés des loisirs, donne des ailes. « Avec cette équipe, tout le plaisir est décuplé », souffle Jérémy, entraîneur, ami, un peu grand frère aussi. Celui qui discrètement, avance l’argent pour une sortie, achète une paire de chaussures et écoute, surtout. « Pour eux, on se démène et, comme eux, on donne tout. » Sans compter les heures ni lorgner le porte-monnaie. Ici, glisse le coach, la rémunération se fait en sourires. Cela suffit à nourrir les rêves. Celui, par exemple, de mener ses protégés dans des contrées lointaines à la faveur d’un tournoi. Et les faire rêver à leur tour.